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Saluer l’ennemi éloigné, s’attaquer à son voisin

L’opinion publique, levier politique actionnable

La règlementation relative au bien-être des animaux d’élevage destinés à la consommation humaine relève de la compétence de l’Union Européenne. Alors que celle-ci envisage de créer un étiquetage harmonisé, l’ANSES a publié, le 2 mai 2024, un communiqué annonçant des lignes directrices relatives à une étiquette Score Bien-être Animal.

Ce faisant, l’Agence française a-t-elle déployé une stratégie préemptive, pour contraindre l’UE à adopter son système? Possible, mais cela relève plus du pari que de la stratégie, l’UE ne suivant pas nécessairement les Etats membres (pour un exemple récent, le refus de retenir SecNumCloud 3.2 en tant que schéma de certification des services cloud (EUCS) est topique).

Une autre analyse – plus axée sur la situation interne – semble mieux décrire l’action de l’ANSES : « Saluer l’adversaire éloigné et entreprendre son voisin ». Ce 23ème stratagème incite à privilégier l’économie des forces, à réduire son exposition au risque.

Au cas d’espèce, les récents démêlés du Gouvernement français avec les agriculteurs ne permettraient vraisemblablement pas d’imposer juridiquement un tel étiquetage.

L’ANSES paraît donc avoir manoeuvré de telle sorte que ce soit « la loi du marché », et non celle du Parlement, qui contraignent à une élévation du niveau du bien-être animal.

Comment? en jouant sur les biais cognitifs de l’opinion publique.

Le score proposé par l’ANSES repose sur une échelle à 5 niveaux alphabétiques, « E » étant le plus bas et correspondant à la stricte conformité à la réglementation actuellement en vigueur.

Or, le consommateur moyen n’apprécie que rarement d’acquérir un produit « mal noté » (Effet de halo négatif). Et lorsqu’il est confronté à un système de valeur comportant un nombre impair d’échelons (biais de centralité), il tend à retenir l’option du milieu (raison pour laquelle en analyse de risques, par exemple, les échelles comportent toujours un nombre pair de niveaux).

En attribuant la plus mauvaise note à la situation correspondant au respect de la norme réglementaire, l’ANSES joue donc sur la norme sociale pour élever le bien-être animal sans avoir à proposer une intervention législative.

Le vecteur d’action retenu n’est pas neutre. L’absence de loi évite les débats parlementaires et laisser jouer la loi du marché permet de se dédouaner, vis-à-vis des producteurs, de toute responsabilité.

Bon lecteur des 36 stratagèmes que vous êtes (devenu, en nous suivant?), vous aurez naturellement noté la mise en oeuvre du 35ème. L’ANSES enchaîne ici les stratagèmes en mettant en cause l’UE (3ème stratagème).

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