Ici, là-bas, ailleurs… Vous le savez, la proximité est un des grands principes pour capter l’attention. Toutefois, à force de rechercher cette proximité, qui peut devenir connivence dans certains cas, ne risque-ton pas l’effet inverse ?
Explication de texte et mise en perspective avec l’exemple de « Ici », la nouvelle marque de France Télévision dans le cadre du rapprochement entre France 3 (Régions) et France Bleu.
Depuis le 5 novembre, un nouveau logo est apparu sur les petits écrans, le logo « Ici » qui remplace donc celui de France 3 lors des programmes régionaux.
« Ici » est donc la marque qui permet de dire, de signifier, vous êtes bien là où vous souhaitez être, c’est-à-dire « Ici », en opposition à « Là-bas » [une marque non existante]. Ce « Là-bas » correspond alors aux programmes nationaux, voire de façon plus subliminale (ou par extension ?) à France 2, la chaîne nationale, sœur aînée de France 3.
Très bien mais quel rapport avec la normalisation de l’opinion publique me direz-vous.
De fait, en signifiant ainsi que les programmes régionaux sont « Ici » et que les programmes nationaux sont loin, plus loin, « là-bas », France Télévisions normalise l’opinion publique selon laquelle ce qui est du ressort du niveau national (plus encore pour les niveaux européens et internationaux) est loin de nous et donc ne nous concerne pas ou beaucoup moins.
Pire, cette normalisation d’un préconçu pourrait même contribuer à renforcer l’idée selon laquelle Paris, au sens figuratif, c’est-à-dire les élus et représentants politiques sont loin, trop loin et donc déconnectés du terrain.
Avec cette stratégie de marque s’appuyant sur la normalisation de l’opinion publique afin d’assurer son ancrage territorial, France Télévisions, encore service public en 2024, pourrait contribuer à éloigner les Français de leurs représentants nationaux. Cette tactique pourrait les détacher encore plus de ce qui les concerne au premier plan : la santé, l’enseignement, les retraites, le pouvoir d’achat… de multiples sujets qui se décident, à minima, au niveau national.
Derniers points pour alimenter vos réflexions :
- Dans le cadre de cette évolution, le mot « marque » n’est pas systématiquement employé ; les annonces officielles préfèrent retenir le mot « label ».
- Pour Xavier Riboulet, le directeur du projet « Ici » et comme indiqué à Télérama, « cet identifiant pour les téléspectateurs est l’assurance qu’ils ont une information de proximité en lien avec leur quotidien ». En avait-il réellement besoin ? Le fond des programmes, notamment l’information régionale, n’en était-il pas la démonstration ?
Finalement, qu’en pensez-vous ?
Un simple adverbe comme « Ici » peut-il, au-delà de son sens propre, véhiculer une idéologie ?
N’y aurait pas « Ici » usage (volontaire ou non) d’un biais cognitif du même type que ceux exposés par Damien Guillou dans son article La psychologie des campagnes : comment l’apparence et la voix influencent les suffrages ?
Plus largement, une stratégie de marque normative peut-elle être contreproductive ?