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La charge de la preuve, ou comment la gestion du risque juridique peut être mise en échec par la réalité du terrain

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La charge de la preuve inversée

Dans de nombreux domaines, le droit de la responsabilité civile a été aménagé pour déplacer la charge de la preuve, afin de la faire peser sur le professionnel. Réputé sachants, avocats, notaires, vendeurs professionnels, mais aussi professionnels de santé doivent rapporter la preuve du conseil donné au client ou patient, réputé profane.

La Cour de cassation l’a érigé en principe en affirmant que « c’est à celui qui est contractuellement tenu d’une obligation particulière de conseil de rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation » (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 mars 2011, 10-13.727, Publié au bulletin).

La difficulté pratique réside alors dans la preuve du conseil donné, tant s’agissant de son contenu que de la réalité de sa délivrance. Par exemple, l’avocat rédacteur « tenu de veiller à assurer l’équilibre de l’ensemble des intérêts en présence et de prendre l’initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée et les incidences, notamment fiscales, des engagements souscrits de part et d’autre, peu important que son concours ait été sollicité par l’une d’elles, doit rapporter la preuve qu’il a rempli cette obligation à leur égard » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 février 2010, 09-11.591).

Comment en pratique alors démontrer avoir respecté son obligation de conseil ? Courrier d’information, mentions dans un acte, ces éléments sont utilisés au quotidien par les professionnels du droit ou du chiffre.

La charge de la preuve confrontée à la réalité du terrain

La réalité est un peu plus complexe pour les professionnels de santé, dont le fonctionnement quotidien n’implique pas nécessairement la remise de livrables écrits. Il est régulièrement procédé par fiches d’information standardisées remises en amont, mais celles-ci ne permettent par définition par toujours une adaptation à toutes les situations, évolutions ou complications.

La sanction est double. Outre que le défaut d’information est en lui-même une faute, le professionnel de santé doit rapporter la preuve de ce que les actes de diagnostic ou de soins réalisés ont été appropriés.

Ainsi, et quand bien même plusieurs hypothèses sont émises quant aux causes réelles, la Cour de cassation invite les juges du fond à ne pas écarter la responsabilité du praticien si celui-ci n’est pas en mesure de démontrer que les soins ont été appropriés, notamment parce que le compte-rendu élaboré au moment de l’opération n’est pas suffisamment élaboré ou précis concernant certains actes en particulier (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 octobre 2024, 22-23.433, Publié au bulletin).

La maîtrise du risque juridique passe donc par un effort de documentation systématique et exhaustif, ce qui est nécessairement aléatoire lorsqu’il doit être pratiqué à grande échelle, par un grand nombre de participants, de surcroit non-juristes.

Cette espèce l’illustre. Un compte-rendu a bien été établi, mais c’est sur le degré de précision de celui-ci que la défense du praticien achoppe.

Les procédures internes, contrôle qualité et autres méthodologie de gestion de risque ne peuvent être efficaces que pour autant qu’elles soient praticables et adaptées aux conditions réelles.

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