Le recueil de Tan Daoqi compile 36 stratagèmes pouvant être utilisés lors d’un conflit militaire à l’origine et plus souvent économique ou médiatique de nos jours.
Parmi ces 36 propositions, comment choisir celle à suivre ? Faut-il réfléchir, analyser, sélectionner ou prendre un dé à 36 faces comme dans certains jeux et laisser faire le hasard ?
De façon plus précise, comment la Française des jeux (FDJ) a-t-elle décidé de changer de nom et de s’appeler FDJ UNITED ? A-t-elle laissé faire le hasard sachant que 100 % des gagnants ont tenté leur chance ? Ou a-t-elle mis en place un processus de décision spécifique ?
Si la réponse à cette question n’est pas publique, les raisons de ce changement de nom le sont.
Traverser la mer sans que le ciel le sache
Dans son communiqué du 6 mars dernier consacré à son changement de nom, FDJ UNITED nous indique qu’il s’agit d’ « incarner sa nouvelle stratégie de croissance durable à l’échelle européenne ».
Au-delà du nom, FDJ UNITED, le groupe adopte également une nouvelle signature : « Playful. Play fair. Play forward. »
Mais quel rapport avec le premier principe stratégique énoncé dans le recueil du général chinois précité ? La Française des jeux cherche-t-elle donc à traverser la mer sans que le ciel le sache ? Ou, au contraire, à assumer pleinement sa nouvelle stratégie internationale comme elle l’indique ?
Sachant que les marques commerciales telles FDJ, Unibet ou bien encore The National Lottery en Irlande, il me semble que FDJ UNITED soit d’abord et avant tout un nom destiné à masquer l’origine du groupe pour faciliter son déploiement international et non à revendiquer dès maintenant cette dimension de multinationale.
Autrement dit, la Française des jeux n’aurait pas lancé un dé à 36 faces pour s’appuyer sur le 1er des 36 stratagèmes mais aurait bien effectué un choix conscient
Lorsque l’anglais devient le plus petit dénominateur commun
Ce choix d’un groupe européen de s’appuyer sur la langue la plus internationale dans le contexte géopolitique actuel est intéressant. Il démontre une nouvelle fois la suprématie de l’anglais-américain (car c’est de ce dialecte qu’il s’agit) dans les échanges commerciaux, sa prédominance dans le domaine de la communication et du “naming”.
Pourtant, faire le choix de l’anglais actuellement est-ce seulement reconnaître cette prédominance ? La Française des jeux aurait pu se définir à travers une nouvelle marque sans sens spécifique sans attachement à une langue particulière.
Les exemples de ce type ne manquent pas :
- Kodak, créé en1888 ne veut rien dire. Georges Eastman souhaitait simplement un nom court percutant et facile à prononcer dans un grand nombre de langue.
- Sony, là aussi un nom court, simple à prononcer partout dans le monde.
- Ou bien encore Ikea, une grande marque suédoise, comme Unibet dont la maison mère, Kindred, a été rachetée l’an passé par la Française des jeux.
Qu’un groupe européen fasse le choix d’une langue d’outre-Atlantique à la place d’une marque dont l’essence repose sur l’absence même de sens avec les avantages associés (la sonorité, la simplicité et l’universalité passant avant la signification) aurait-il été possible aujourd’hui si Kindred / Unibet avait été d’origine danoise voire groenlandaise au lieu d’être suédoise ?
Autrement dit, devons-nous “dissocier la langue de l’homme, du pays ?” ou continuer à “play fair” comme diraient les gentlemen d’outre-Manche ?