Fervent auditeur de la Terre au Carré, j’avais découvert, dans Dernières Nouvelles de la Science de Mathieu Vidard, Pando. 47 000 arbres identiques, tous reliés à un même système de racines qui ont repoussé la limite de leur espérance de vie, en coopérant, de 130 à plus de 80 000 ans. Alors forcément, dans ma (gigantesque) PAL – non, ne me dites pas que vous ne connaissez pas l’acronyme! – se trouvait « La vie secrète des arbres« .
Et là, la nouvelle tombe. La thèse défendue par Peter Wohlleben ne serait pas erronée… mais bel et bien fausse. De manque de preuves, l’on passe rapidement à des accusations de désinformation scientifique. En effet, en 1926, il était déjà démontré non pas une entraide, mais une entrave – de l’ordre de 1/4 – du développement des pins scandinaves poussant proches les uns des autres.
Alors qu’un essayiste et – navré de le souligner, mais cela joue certainement dans la médiatisation de son essai « X-ien » – fils d’ancien Président de la République, vient d’indiquer que la désinformation ressort de la liberté d’expression, ne faut-il pas se pencher sur l’étude des stratégies sous-jacentes? Ou plutôt sur l’objectif poursuivi par les stratèges.
En janvier 2024, a été dénoncée une stratégie de communication de Peter Wohlleben, aux fins d’attirer l’attention sur l’écologie.
Autre illustration de ce type de stratégie. Cinq ans plus tôt l’association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) communique sur une contamination radioactive de l’eau consommée par 6,4 millions de français. Levée immédiate des boucliers contre l’industrie du nucléaire… alors qu’en fait, le taux de radioactivité était très inférieur au seuil fixé par les autorités. Résultat, déportation de la consommation d’eau du robinet vers les bouteilles… en plastique.
La fin justifie-t-elle les moyens?
Certes, difficile de vanter les mérites des campagnes de communication ou des textes législatifs. Pour autant, faut-il tout accepter? D’aucuns pourraient considérer qu’à défaut d’une vérité, c’est un joli conte qui a défrayé la chronique. Mais restons sur ce sujet. La violence est-elle justifiée pour attaquer un bateau de pêche intervenant dans un cadre légal? Vous voyez où je veux en venir, naturellement. Mais déconstruisez l’histoire qui vous est narrée. Iriez-vous attaquer les Arènes de Bayonne parce que vous soutenez l’interdiction de la corrida? Vraisemblablement pas. En tout cas, à date, aucun incident de ce type n’a été rapporté.
Même chose pour l’industrie nucléaire, désormais « greenwashée« , car la moins carbonée – difficile de dire le contraire, ne serait-ce que d’un point de vue chimique. Mais n’oublie-t-on pas la problématique du stockage des déchets? Même chose pour la voiture électrique : focalisation de l’attention du consommateur sur le « run« , mais défaut totale de prise en compte de la filière de production, le « build« , et plus encore, d’élimination des batteries.
Qu’en retenir? Le conséquentialisme – l’idée selon laquelle la fin justifie les moyens – ne vaut que si l’opinion publique est susceptible d’adhérer à l’objectif et que si l’auteur dispose des moyens nécessaires. Le cas échéant, un storytelling bien façonné permettra alors d’atteindre l’état final recherché. Et peu importe l’avis du législateur, des experts et/ou scientifiques.
Dans le cas contraire, préparez-vous plutôt à affronter la loi de Brandolini.
Alors, l’herbe est-elle toujours plus verte chez les autres? Non. Elle ne l’est que si les spectateurs attribuent le terme vert à la même longueur d’onde!
