L’Assemblée nationale a adopté le 4 décembre dernier une motion de censure à l’encontre du gouvernement. De nombreux acteurs politiques et observateurs de nos institutions ont évoqué la mise en œuvre d’une stratégie du chaos à cette occasion.
Mais est-ce vrai ?
Sous la Vème République le vote d’une motion de censure est rare. Avant l’adoption de la dernière motion de censure, seul un gouvernement avait été renversé par l’Assemblée nationale : le Gouvernement POMPIDOU en 1962. L’analyse de cet événement est intéressante pour chercher à comprendre la situation actuelle.
A la suite d’un attentat raté du Petit-Clamart (22 août 1962), le général de Gaulle a souhaité changer les conditions d’élection du président de la République afin d’assurer une meilleure légitimité à celui-ci (en passant d’un suffrage ouvert aux grands électeurs au suffrage universel). Avec le gouvernement d’alors, il a privilégié l’utilisation de l’article 11 de la Constitution qui permet l’organisation d’un référendum sans consultation préalable des assemblées (nous ne reviendrons pas ici sur le débat lié à la constitutionnalité ou non de ce choix).
En réaction, une motion de censure a été voté par l’Assemblée nationale le 4 octobre 1962. Le Premier ministre a remis la démission de son gouvernement le 6 octobre suivant.
Un bras de fer a alors été engagée entre le Président de la République et l’Assemblée nationale qui se terminera en faveur du premier. En effet, le général de Gaulle renommera rapidement Georges POMPIDOU au poste de premier ministre et prononcera le 9 octobre 1962 la dissolution de l’Assemblée nationale. Tant le référendum que l’élection législative ont été favorables à l’exécutif. Aucune majorité à l’Assemblée nationale ne cherchera pendant 62 ans à censurer à nouveau un gouvernement.
La situation politique actuelle est diamétralement différente. Tant l’impopularité du Président que l’impossibilité de recourir à la dissolution avant le mois de juin 2025 empêchent l’engagement d’une stratégie politique identique à celle utilisée en 1962. Mais est-ce que les députés ont utilisés une « stratégie du chaos » ?
Rien n’est moins certain.
Le gouvernement démissionnaire assurera les affaires courantes au cours des prochains jours ou semaines et la consultation des exemplaires du journal officiel parus au cours de l’été illustre que cette limitation des pouvoirs de l’exécutif n’enraille pas réellement la production normative. Une loi provisoire sera adoptée afin d’éviter tout blocage de l’administration. Le pays ne cessera pas d’être gouverné.
Mais au regard des forces en présence à l’Assemblée nationale, aucune tendance ne peut réellement revendiquer la nomination d’un premier ministre. Cette situation ne va-t-elle pas conduire à faire disparaître une partie de la culture politique française et faire entrer notre pays dans une culture du compromis politique cher à nos voisins européens. La seule limite à ce raisonnement demeure la résistence traditionnelle des français et de leurs élites aux changement. Seul l’avenir permettra de s’assurer du chemin effectivement pris par notre pays.