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Quand le thon et la politique donnent tort à Clausewitz

Il y a tout juste un mois, les médias sonnent l’alarme : les boîtes de thon seraient contaminées au mercure. L’information n’émane pas des pouvoirs publics, mais d’ONG.

Il y a quelques jours, deux acteurs majeurs de la politique française prennent la parole. L’une évoque le délai de délibéré de 4 mois pour souligner que sa condamnation par le tribunal médiatique ne sera pas nécessairement suivie sur le terrain judiciaire. L’autre brandit face aux français la menace d’un Jeudi Noir, si son Gouvernement devait tomber.

Mais quel est diable le point commun ?

Ces différents acteurs occupent le terrain médiatique. Ils se le sont même accaparé, et ce à peu de frais.

Qui a retenu du la Fédération des industries des aliments conservés du 30 octobre ?

Le Garde des Sceaux ou un syndicat de magistrat ont-ils pu présenter les statistiques judiciaires, pour établir que 4 mois de délibéré n’a rien d’anormal ?

La crainte d’un « shutdown » français a-t-elle réellement été balayée par les constitutionnalistes invités sur les plateaux télé ?

L’asymétrie du baratin fragilise le défendeur

La théorie clausewitzienne donnant l’avantage au défenseur se voit ici totalement balayée par le principe d’asymétrie du baratin, injustement qualifié de loi de Brandolini, si l’on s’en réfère à Clément Viktorovitch. Celui qui prend l’initiative gagne la bataille – pas forcément la guerre – sur le terrain médiatique, et laisse à l’adversaire le choix entre le silence ou l’empêtrement dans des explications inaudibles. Je n’ose pas même évoquer la contre-offensive judiciaire dont il ne reste souvent dans les esprits que l’idée floue d’une procédure-bâillon.

Convoquons un troisième auteur pour mieux saisir la problématique : Gérald Bronner. Dans son Apocalypse Cognitive, il souligne avec brio les vecteurs employés par nos ONG et politiciens : la peur pour une partie, la défiance envers la démocratie – au sens large – pour les autres. Ces deux émotions marquent les esprits, là où les statistiques, par exemple, seront probablement vite éclipsées. Mieux, la seconde présente l’immense avantage d’être à double tranchant pour sa victime.

Vous doutez ?

Contrer l’argument déduisant une incertitude des juges de la longueur apparente du délibéré ne fera que l’attiser.

Et si le Tribunal devait entrer en voie de condamnation, les soutiens du coupable dénonceraient sinon une victime expiatoire – après tout, ne sont-ils pas tous du même acabit ? – plus probablement l’intervention du pouvoir exécutif pour couper les ailes à un concurrent sérieux.

A y réfléchir, c’est fou : à peine quelques minutes à la télévision et l’adversaire est KO debout.

Une stratégie limitée au court terme

Ceci étant, ce type d’attaque ne peut être utilisé avec des chances raisonnables de succès que dans une stratégie à très court / court terme. Et ce pour deux raisons : d’une part, parce que l’opinion publique oublie rapidement, d’autre part pour limiter la capacité de réplique de l’adversaire.

Reprenons le cas du politicien menaçant les français d’un « shutdown » s’ils ne dissuadent pas leurs représentants, à l’Assemblée Nationale, de voter la censure : annoncé lors du dépôt des projets de loi de finances et de financement de la Sécu, un tel risque aurait fait long feu. Alors qu’ici, impossible de démêler le vrai du faux ou d’allumer – justement – un contre-feu.

Une autre cause d’échec est la préparation de la cible. Lorsqu’elle a pris en compte le risque réputationnel, médiatique et qu’elle s’y est convenablement préparée, elle peut rapidement et sereinement répondre à l’agression.

Un exemple ? Ni les arguments de santé publique, ni l’écologie, ni le bien-être animal n’ont permis de retirer des rayons de nos épiceries une célèbre pâte à tartiner, pourtant riche en huile de palme. Mieux, son fabricant a réussi à faire balayer le projet d’une taxe de 300% sur cet ingrédient.

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