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Le contrat face à la rétroactivité de la loi : un bouclier contre l’évolution normative ?

Toute stratégie juridique peut trouver ses limites dans l’application de principes fondateurs de notre droit, tel celui selon lequel « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif » (Code civil, article 2).

L’application de ce principe conduit à d’autant plus de difficulté qu’il régit, outre l’édiction de la loi ou du règlement, les situations contractuelles créées par des parties consentantes. Par principe, la loi applicable à un contrat est celle en vigueur lors de la formation du contrat, sauf loi interprétative (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 3 juin 2021, 20-12.353).

Lorsque le législateur veut remédier à une situation qu’il estime anormale, il est susceptible de se heurter à la loi des parties que constitue le contrat.

En ce sens, le législateur au travers de la loi dite « Kasbarian » a récemment entendu refondre le régime de la résiliation pour impayé d’un bail d’habitation en prévoyant que tout bail d’habitation doit comporter une clause résolutoire et en abaissant le délai minimum entre un commandement visant la clause résolutoire et la résolution d’un bail d’habitation de deux mois à six semaines (LOI n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, article 10).

La question de l’effet rétroactif de cette disposition s’est rapidement posée devant les juridictions. Saisie pour avis, la Cour de Cassation a jugé que cette loi nouvelle ne s’appliquait pas immédiatement aux contrats en cours, qui demeurent régis par les stipulations des parties, telles qu’encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail et ne peut avoir pour effet de les modifier d’autorité (Cour de cassation, 13 juin 2024, n°24-70.002). Ainsi, lorsque les parties ont contractualisé le délai de deux mois antérieurement prévu par la réglementation, le nouveau délai réduit à six semaines n’est pas applicable, et la procédure de résiliation pour impayé ne bénéficie donc pas de cette accélération.

Le stratège en retiendra que le contrat peut constituer un véritable obstacle à la loi nouvelle… à tout le moins pour un temps. Le renouvellement du contrat finira par s’opérer ou par pouvoir être provoqué, ce qui conduira à l’application de la loi nouvelle.

L’interdiction des lois rétroactives doit conduire à garder à l’esprit que « dans tous les plans de conquête, procéder pas à pas, gagner les batailles une par une » reste la seule stratégie viable.

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